Commentaires sur le commentaire

Hier pour la première fois, j’ai commenté un article Buzzfeed, c’était inédit et je me suis donc posé deux ou trois questions, à retrouver dans cet article.

L’acte en lui même est le plus banal qui soit, le commentaire ne fait avancer aucun débat, il n’est pas spécialement drôle ni spécialement catastrophique. Par ailleurs, je ne connais probablement aucune des personnes qui ont lu cette ligne, elle ne s’inscrit donc pas non plus dans le cadre de l’identité numérique que je construis vis à vis de mes cercles sociaux proches.

Le commentaire (dessous) est une réaction à un test qui determine votre ville idéale après un QCM, ne vous moquez pas on l’a tous fait !

Commentaire buzzfeed
Mais alors pourquoi ce commentaire ? Et plus généralement, pourquoi commenter ?

« Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter. »
Sartre dans la Nausée

Peut être que l’article que je suis en train d’écrire justifie pleinement mon acte. La mise en récit de cet événement anodin justifie à posteriori sa réalisation. D’autant plus lorsque l’on considère que je vends des missions autour de ma capacité à raconter des histoires et autour d’une connaissance des rituels et du langage numérique. Finalement, ce commentaire sur Buzzfeed, c’est du « bizdev » ?!

Malheureusement, je ne suis pas assez intelligent pour avoir fait consciemment preuve d’une telle anticipation. Et l’origine de cette prise de parole se trouve probablement ailleurs ! Rapide introspection numérique :

Appartenance

« Ce qui caractérise en propre l’énoncé (à savoir le choix des mots, une certaine construction de la phrase, une certaine intonation), n’est que le reflet de la relation qui unit le locuteur à l’ensemble de la conjonction sociale complexe dans laquelle se déroule le dialogue. »
Bakhtine dans Esthétique de la création verbale

designerMine de rien, je l’ai réfléchi ce post. Je suis sur Buzzfeed, je dois écrire quelque chose qui soit grand public, je dois faire court pour rester dans la logique de consommation rapide et de divertissement, je ne dois pas faire trop pointu parce que mon Anglais n’est pas assez bon. Jouer sur la corde « parisien » est efficace, et le besoin d’un autre horizon est un thème qui parle à tout le monde.

Soyons clairs, je n’ai pas pensé à tout cela en écrivant ce message. C’est mon cerveau qui a pris les devants, car il prend toujours les devants (A voir le très bon doc d’Arte sur le cerveau). Quoi qu’il en soit, commenter, c’est une manière de prouver son appartenance à un groupe, et la communauté Buzzfeed n’est pas le groupe dont je suis le plus fier, mais je ne peux pas nier ma tendance à visiter régulièrement le site.

High-Score

Suis je responsable à travers mon commentaire d’une grave crise d’égo ? En quelques mots, j’ai réussi à caser ma photo, ma situation professionnelle et ma situation géographique. Et dans le sillage du mot de l’année 2013, le désormais très, trop discuté « selfie » la tendance est à décrire la folie narcissique du jeune internaute. Cependant, j’ai tendance à penser que ce n’est pas toujours le vrai moteur. Et je blâmerai plutôt les leviers de la competition et de la conversation. André Gunther explique par exemple à propos du selfie que la question  « n’est pas d’être beau, mais de participer à une activité mise à la mode par les réseaux sociaux, on est dans la création d’une nouvelle norme visuelle. On n’a pas besoin d’être beau, ce n’est pas une oeuvre, l’image doit produire de l’interaction et de la conversation. » 

Finalement, il s’agit plus d’une logique de défi et de jeu. Suis-je capable d’écrire le commentaire qui remportera le plus d’adhésion ? Sanctionnée par le like, cette dernière transforme la section commentaires en une sorte de leaderboard, un jeu conversationnel.

Scoreboard

Tout cela pour conclure sur une touche d’optimisme. Le commentaire dont on commente souvent la vacuité (moi le premier) ne serait il pas au contraire un jeu littéraire complexe ? Ne faut il pas chercher l’interêt ailleurs que dans le contenu ? Dans la complexité de l’interaction et les codes sociaux qu’elle mobilise par exemple.

N’hésitez pas à donner votre avis dans… les commentaires.

1 Commentaire

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Fernandezreply
janvier 17, 2014 at 12:28 pm

De l’introspection du storyteller. Brillant ! 😉

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